Voyage au cœur de la typicité des vins rouges et rosés des Coteaux du Quercy

09/11/2025

Un vignoble singulier au carrefour de l’Occitanie

Au sud du Massif central, entre plantations de noyers, champs de céréales et paysages de causses calcaires, les vignes des Coteaux du Quercy s’étendent sur près de 200 hectares, à la croisée des départements du Tarn-et-Garonne et du Lot. Ils incarnent l’une des plus discrètes, mais authentiques, appellations du Sud-Ouest, nichée entre Cahors à l’est et Fronton à l’ouest. Ce terroir à la topographie vallonnée, baigné par un climat entre atlantique tempéré et influences méditerranéennes, a forgé une identité viticole à part entière.

  • Superficie de l’appellation : environ 190 hectares (source : INAO 2023)
  • Nombre de vignerons : 38 exploitations, dont 27 vignerons indépendants (source : Syndicat des Vins des Coteaux du Quercy)
  • Appellation d’origine contrôlée (AOC) obtenue en 2011

Un encépagement unique autour du cabernet franc

La typicité des vins rouges et rosés des Coteaux du Quercy repose d’abord sur un encépagement original pour la région, dominé par le cabernet franc. Traditionnellement associé à la Loire, il a trouvé dans ces terres argilo-calcaires une expression singulière, à la fois fraîche, poivrée et fruitée.

  • Cabernet franc (minimum 40 % du total de l’encépagement en rouge comme en rosé)
  • Auxerrois (Malbec) (jusqu’à 25 %)
  • Merlot (jusqu’à 25 %)
  • Tannat (jusqu’à 20 %)
  • Gamay (jusqu’à 20 %)

Ce sont cinq cépages qui composent l’ossature des vins, chacun contribuant à la palette aromatique et la structure en bouche. Les assemblages sont dictés par une réglementation stricte (INAO) : une proportion élevée de cabernet franc, pour l’élégance et la fraîcheur, accompagnée de cépages locaux qui apportent chair, couleur, fruits rouges et épices. Cette exigence place les Coteaux du Quercy à la croisée des influences bordelaises, occitanes et ligériennes.

La géologie du Quercy : matrice de la typicité

Les vignes des Coteaux du Quercy s’accrochent à des sols variés, avec une prédominance de causses calcaires et de terrasses argilo-calcaires. Cette diversité géologique offre aux raisins une maturité progressive et une minéralité particulière.

  • Les causses : sols calcaires, filtrants, retiennent peu l’eau, idéals pour les maturités lentes et l’acidité naturelle.
  • Les terrasses et boulbènes : argilo-siliceuses ou limoneuses, favorisent la rondeur et la concentration du fruit.

Ce terroir contraste nettement avec les sols plus graveleux de la Garonne ou argilo-calcaires puissants de Cahors, ce qui confère aux vins une identité propre, subtile et tendue. L’absence d’excès hydrique et la bonne aération des coteaux protègent les raisins des maladies et évitent la dilution des arômes.

Les vins rouges des Coteaux du Quercy : un style marqué par la fraîcheur et l’épice

Le cœur de la typicité des rouges du Quercy réside dans leur capacité à marier intensité aromatique, finesse tannique et vivacité. On est loin des profils opulents et puissants de leurs voisins du Sud-Ouest comme Cahors ou Madiran.

  • Robe : rubis vif à grenat, souvent brillante et limpide (signe d’élevage modéré)
  • Nez : éclats de fruits rouges frais (groseille, framboise, cassis), note végétale noble (poivron vert mûr), pointe poivrée typique du cabernet franc, relevée de nuances florales (violette) et d’épices (baies roses, poivre)
  • Bouche : attaque souple, structure fine, tanins fondus mais présents, équilibre sur la fraîcheur, finale persistante sur la griotte et la réglisse.

Sur la dernière décennie (2013-2023), la teneur moyenne en alcool des rouges oscille entre 12,5 et 13,5 % vol., ce qui les rend digestes, loin de la surmaturité. Les élevages sont majoritairement courts (< 12 mois, syndicat des vignerons), en cuve ou fût ancien, pour préserver le croquant du fruit. Quelques domaines expérimentent une vinification sans sulfites ajoutés ou des élevages sur lies fines, pour accentuer la complexité aromatique.

Anecdote vigneronne

Sur le domaine de la famille Monvignac, à Montpezat-de-Quercy, la tradition veut qu’une partie de la vendange soit foulée aux pieds par les membres du village lors d’une fête annuelle. Ce geste, certes symbolique aujourd’hui, rappelle la dimension humaine et communautaire du vignoble, où la solidarité prime sur la mécanisation.

Rosés de caractère : la fraîcheur alliée à la structure

Les rosés des Coteaux du Quercy ne sont pas de simples vins d’été, mais des vins de gastronomie, puissants et élégants tout à la fois. Leur méthode de production alterne entre saignée (prélevés sur les cuves de rouge après quelques heures de macération) et pressurage direct. Le cabernet franc domine ici encore, apportant une typicité remarquable.

  • Robe : du rose pâle saumoné au rose vif framboise, brillante
  • Nez : petits fruits rouges écrasés (fraise, groseille), pivoine, notes de bonbon anglais, parfois minéralité salivante
  • Bouche : frais, tonique, sec et peu alcooleux (souvent entre 12 et 12,5 %), avec une acidité vive qui prolonge le fruit vers une finale sapide, légèrement épicée

L’un des traits frappants des rosés du Quercy est leur capacité à vieillir une ou deux saisons sans perdre leur éclat fruité. Certains vignerons tel que le Château de Cayx les vinifient sur lies, cherchant longueur et volume, ce qui les prédispose aux repas estivaux, mais aussi aux belles charcuteries du Sud-Ouest ou aux cuisines méditerranéennes épicées.

Identité gustative et accords mets-vins : des alliés insoupçonnés

La typicité aromatique et la structure équilibrée des vins des Coteaux du Quercy offrent un champ d’accords inépuisable :

  • Rouges jeunes (1 à 3 ans) : parfaits sur des grillades de porc noir de Bigorre, des fromages de brebis frais ou un tartare de bœuf aux herbes.
  • Rouges plus évolués (5-7 ans) : excellent sur gibier à plume, magret de canard séché, ou truffe noire du Quercy (Tuber melanosporum).
  • Rosés : idéals sur saumon mariné, sushi, tapas tomate-jambon, ou charcuterie artisanale locale.

La souplesse du cabernet franc en fait le compagnon idéal d’une cuisine régionale mais aussi de plats exotiques, qu’ils soient épicés ou acidulés.

Un vignoble engagé entre tradition et innovation

Face aux défis du changement climatique, plusieurs domaines des Coteaux du Quercy innovent tout en préservant la typicité du terroir :

  • Montée en puissance de la viticulture biologique (près de 25 % de la surface en bio ou en conversion en 2023, source : Agence Bio)
  • Expérimentation sur l’enherbement naturel et la réduction de la densité des pieds pour lutter contre le stress hydrique
  • Retours à des pratiques anciennes (culture en gobelet, labours à cheval) et diversification des cépages secondaires face au réchauffement (gros manseng, fer servadou en essais expérimentaux)

Cette dynamique assure un équilibre entre expression du terroir, respect du vivant, et adaptation progressive, sans sacrifier la patte aromatique « franc-Quercynoise ».

Pourquoi ces vins séduisent les amateurs en quête d’authenticité ?

La singularité des rouges et rosés des Coteaux du Quercy s’exprime dans cette touche de convivialité, de fraîcheur et d’aromatique cisellée, loin des standards formatés. Leur relative rareté (moins d’un million de bouteilles produites chaque année, source : Syndicat AOC) en fait une découverte confidentielle à partager. Qu’il s’agisse d’une balade sur le causse au printemps, d’un casse-croûte vigneron ou d’une grande table étoilée, ils rappellent, à chaque verre, la force tranquille d’un terroir qui a su tracer un chemin singulier au sein du Sud-Ouest.

Sources :

  • INAO, fiche AOC Coteaux du Quercy, mise à jour 2023 (lien)
  • Syndicat des vins des Coteaux du Quercy (site officiel)
  • Agence Bio, statistiques 2023 sur la viticulture du Sud-Ouest
  • Château de Cayx – Rapport technique rosés
  • Observatoire de la vigne et du vin, FranceAgriMer 2023

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