Merlot et Cabernet Sauvignon : architectes secrets des Coteaux du Quercy

13/10/2025

Un terroir du Sud-Ouest, deux cépages venus de Bordeaux

Les Coteaux du Quercy, appellation d’origine contrôlée obtenue en 2011 (source : ODG Coteaux du Quercy), couvrent une bande de collines argilo-calcaires entre le Tarn-et-Garonne et le Lot. Ici, vignerons et vigneronnes élaborent des vins rouges et rosés à la personnalité affirmée, souvent méconnue au-delà de la région. Si l’ADN du vignoble puise aux cépages historiques du Sud-Ouest (Gamay, Malbec, Tannat), ce sont bien deux nobles bordelais qui structurent discrètement l’expression des assemblages : le Merlot et le Cabernet Sauvignon.

  • Le Merlot : Cépage précoce, fruité, souple, il adoucit et apporte une rondeur immédiate.
  • Le Cabernet Sauvignon : Puissant, coloré, tannique, lent à s’ouvrir, il structure et garantit la tenue dans le temps.

L’encépagement, selon le cahier des charges AOC, impose une dominante de Cabernet Franc (minimum 40 %), mais le Merlot et le Cabernet Sauvignon peuvent ensemble représenter jusqu’à 40 % du volume (source : INAO, dernier décret 2023).

L’art de l’assemblage dans le Quercy : le sourire de la diversité

La grande force des Coteaux du Quercy réside dans leur capacité à créer des vins à la signature différente chaque année, reflet des volumes récoltés, de la météo et des choix de chaque domaine. Le rôle du Merlot et du Cabernet Sauvignon, dans ce contexte, se lit comme une grammaire du goût.

L’apport du Merlot : souplesse, rondeur et chair

Dans le Quercy, le Merlot sait arrondir les angles d’assemblages parfois marqués par le caractère austère du Cabernet Franc ou la fermeté du Tannat. Sur ces terres argilo-calcaires, il exprime :

  • Des arômes de fruits noirs mûrs (cerise, prune, mûre)
  • Une attaque souple, presque veloutée, qui offre un équilibre à l’acidité naturelle des vins de coteaux
  • Un degré alcoolique naturel modéré (12,5 à 13,5 % vol en général), sans excès, favorisé par des maturités précoces
  • Une capacité d’amortir la verdeur et les tanins parfois tranchants des autres cépages, conférant rapidement aux vins un toucher de bouche harmonieux

D’après les données du laboratoire œnologique départemental (2022), près de 78 % des producteurs insèrent du Merlot dans leur cuvée principale, souvent à hauteur de 10 à 20 % de l’assemblage.

Le Cabernet Sauvignon : l’épine dorsale et la noblesse tannique

Bien que minoritaire par rapport au Cabernet Franc, le Cabernet Sauvignon pose une structure admirable :

  • Il apporte une couleur profonde, toujours supérieure à 70 IPT (Indice de Polyphénols Totaux) sur jus frais, ce qui rehausse la robe et la garde
  • Ses tanins se distinguent par leur richesse, favorisant la capacité de vieillissement : plusieurs cuvées haut de gamme du Quercy affichent ainsi 5 à 8 ans de potentiel de garde
  • Il offre des arômes complexes de cassis, de poivron mûr, parfois de graphite, donnant du relief à des cuvées dominées par le fruit

En climat chaud et sec, comme en 2022, son intégration au sein des cuvées (entre 7 et 15 %) a permis de préserver de la fraîcheur, en contrebalançant la maturité du Merlot.

Une alliance au service de l’harmonie : complémentarité ou antagonisme ?

L’assemblage des deux cépages est parfois une subtile négociation : le Merlot lisse l’ensemble, tandis que le Cabernet Sauvignon en forge la colonne vertébrale. Ce dialogue, loin d’être figé, s’adapte chaque année, selon l’état de chaque parcelle :

  • En millésime frais : le Merlot, plus précoce, prend la vedette, apportant de la chair quand le Cabernet Sauvignon peine à atteindre la maturité.
  • En millésime solaire : le Cabernet Sauvignon relève la structure, prolonge la finale, évite la mollesse que peut induire un Merlot trop opulent.

En témoignent les cuvées de 2017 et 2022, où la proportion de Cabernet Sauvignon est montée jusqu’à 15 % pour certaines cuvées, une rareté dans l’assemblage sud-ouest, mais qui a renforcé la typicité du Quercy : tanins fermes, fraîcheur, complexité.

Merlot et Cabernet Sauvignon dans l’histoire locale : une adaptation pragmatique

Longtemps, le vignoble du Quercy s’articulait autour de cépages autochtones : Côt (ou Malbec), Gamay, Tannat, Fer Servadou. L’introduction du Merlot (dans les années 1960) puis du Cabernet Sauvignon visa d’abord à soutenir la régularité qualitative, face aux années de forte variabilité climatique (source : La Vigne).

  • Le Merlot : plébiscité pour sa capacité à produire même lors d’étés plus courts ou pluvieux (cycle de 130-135 jours en moyenne)
  • Le Cabernet Sauvignon : introduit plus tardivement, adapté surtout sur les expositions les plus chaudes

Aujourd’hui, même si leur part dans l’encépagement reste limitée par le cahier des charges, les vignerons soulignent leur utilité « d’ajusteurs ». Ils équilibrent la palette aromatique et offrent, chaque année, la possibilité d’ajuster avec finesse la charpente ou la souplesse du vin.

Influence sur la typicité : ce que les dégustateurs en disent

À l’aveugle, la présence du Merlot et du Cabernet Sauvignon se dévoile subtilement dans le verre :

  • La rondeur souple en attaque (Merlot), la chair pleine qui évite la sécheresse sur les millésimes jeunes ;
  • Une persistance tannique et épicée (Cabernet Sauvignon), qui assure une belle tenue au vieillissement ;
  • Des arômes complexes mêlant le fruit noir, la cerise kirschée, la réglisse, parfois le poivron grillé, la menthe.

Selon le panel du Concours des Vins du Sud-Ouest 2023, les cuvées issues d’assemblages contenant au moins 10% de Cabernet Sauvignon obtiennent 17% de plus de médailles (or ou argent) que celles qui en sont dépourvues. Preuve de son apport qualitatif sur la longueur et la complexité.

L’influence du duo sur les accords mets et vins du Quercy

Grâce à ce mariage, les Coteaux du Quercy proposent une incroyable polyvalence à table :

  • Les cuvées à dominante Merlot : idéales sur les viandes blanches grillées, magrets mi-saignants, volailles aux cèpes ;
  • Les assemblages plus structurés (Cabernet Sauvignon > 10 %) : subliment cassoulets, gigots d’agneau, fromages affinés de la région (Pérail, Bethmale) ;
  • Pour les rosés : la part de Merlot apporte du fruit à croquer, la touche de Cabernet maintient de la tension, idéale sur des cuisines relevées du Sud-Ouest.

Vers des assemblages nouvelle génération ? Adaptation au climat et nouveaux profils

Le changement climatique, de plus en plus tangible sur les plateaux du Quercy, questionne aussi la part de Merlot et de Cabernet Sauvignon : si le Merlot peut souffrir des coups de chaud, le Cabernet Sauvignon, plus tardif, montre depuis 5 ans une adaptation croissante, réussissant sa maturité en quasi-totalité d’années.

Des domaines expérimentent :

  • Une limitation du Merlot à 10% sur les millésimes très chauds (2020, 2022), afin d’éviter la lourdeur alcoholique
  • L’introduction du Cabernet Sauvignon sur des parcelles autrefois dévolues au Tannat, pour une meilleure résistance aux sécheresses estivales
  • L’essor de micro-assemblages parcellaires, afin de jouer sur la finesse plus que sur la puissance ou la rondeur

Cette dynamique promet de faire évoluer encore la signature des Coteaux du Quercy dans la décennie à venir, entre recherche d’authenticité du terroir et adaptation aux nouveaux défis climatiques.

Le Merlot et le Cabernet Sauvignon : pierres angulaires d’une identité plurielle

Sans jamais voler la vedette aux cépages locaux, le Merlot et le Cabernet Sauvignon jouent, dans les Coteaux du Quercy, le rôle de metteurs en scène. L’un offre au vin sa tendresse, l’autre sa profondeur. Au fil des années, cette complémentarité a permis à l’appellation de conserver équilibre, personnalité et typicité. Dans un vignoble où mosaïque de sols rime avec diversité d’assemblages, ce duo, en toute discrétion, révèle le vrai visage du Quercy : un vin de caractère, taillé pour la convivialité, le temps, et la redécouverte.

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