Les nouveaux horizons des cépages blancs dans l'appellation Coteaux du Quercy

18/10/2025

Un territoire rouge qui ose le blanc : histoire et évolution de l’appellation

Le nom des Coteaux du Quercy résonne souvent comme une terre de rouges puissants, charpentés, vibrants de fruit. Depuis la reconnaissance de l'AOC en 2011 (après plus de dix ans en VDQS), l’appellation s’est appuyée sur ses cépages rouges emblématiques : cabernet franc, merlot, côt, tannat, gamay. Pourtant, discrètement, sous le soleil du sud-ouest, la part des blancs gagne du terrain.

Longtemps confidentielle, la production de vins blancs dans les Coteaux du Quercy ne représente encore qu’environ 8 % de la surface en vigne (source : Syndicat AOC Coteaux du Quercy, 2022). Mais la dynamique est palpable : en cinq ans, la surface consacrée aux cépages blancs a doublé à l’échelle de l’aire d’appellation, pour dépasser les 40 hectares en 2023. Un chiffre qui pourrait sembler modeste face aux 500 hectares de rouges, mais qui marque une réelle inflexion stratégique.

  • 1999 : La mention « blanc » figure pour la première fois lors du passage en VDQS (Vin Délimité de Qualité Supérieure).
  • 2011 : Accession à l’AOC, avec possibilité de produire des vins blancs, en IGP puis en AOC Coteaux du Quercy Blanc à partir de 2019.
  • Aujourd’hui : Près de 15 domaines mettent en bouteille des blancs, alors qu’on n’en comptait que 4 en 2015.

Le renouveau des blancs est aussi une réponse aux attentes d’un marché évolutif, sensible à la fraîcheur, à la vivacité, à la diversité aromatique. Sur les marchés locaux comme à l’export, la tendance est nette : la consommation de vins blancs progresse deux fois plus vite que celle de rouges selon les chiffres FranceAgriMer 2023.

Quels cépages blancs pour le Quercy ? Palette variétale et choix agronomiques

Le décret d’appellation des Coteaux du Quercy ne définit pas de cahier des charges spécifique aux blancs. Chaque domaine façonne donc ses vins en puisant dans la richesse du catalogue méridional : chenin, sauvignon blanc et gris, chardonnay, colombard, muscadelle, sémillon, ugni blanc. Le viognier, cépage emblématique du Rhône, tente peu à peu une percée, régulièrement assemblé pour sa touche florale et sa rondeur.

  • Chenin : Affiche une remarquable résistance à la sécheresse, s’acclimate bien sur les sols calcaires et argilo-calcaires typiques du Quercy blanc. On lui doit des vins crayeux, vifs, marqués par des notes de coing et de pomme fraîche.
  • Sauvignon blanc : Le plus planté. Il apporte la fraîcheur, les arômes d’agrumes, d’herbe coupée, et un nerf bienvenu quand l’été s’étire.
  • Colombard : Souvent associé au sauvignon ou à l’ugni blanc, il pousse la vivacité et l’expression d’arômes exotiques (fruit de la passion, kumquat).
  • Muscadelle : Plus rare, elle complexifie les assemblages avec des notes musquées, florales, une bouche ample.
  • Viognier : Sa grande maturité aromatique (abricot, violette) séduit une nouvelle génération de vignerons, mais sa conduite délicate et sa propension à la surmaturité requièrent vigilance et maîtrise de rendement.

Un point-clé à noter : en blanc comme en rouge, la réglementation impose que la récolte provienne intégralement de l’aire délimitée et que la mention « Coteaux du Quercy blanc » soit uniquement attribuée si les vins proviennent majoritairement de cépages blancs traditionnels régionaux (source : INAO).

Quand climat, sols et savoir-faire dictent le profil des blancs du Quercy

Le sud du Lot, le Tarn-et-Garonne, le nord du Tarn : voici le cadre des Coteaux du Quercy, avec leurs paysages de collines, de « causses » et de terrasses. Ici, la diversité pédologique s’exprime autant dans le calcaire lumineux du Quercy blanc que dans les argiles ferrugineuses, permettant une expression contrastée d’un même cépage selon son exposition.

Les blancs tirent notamment avantage :

  • D’un microclimat légèrement plus frais que dans le Tarn ou les Graves de Bordeaux : grâce à l’altitude (jusqu’à 300 m), au vent d’Autan, les nuits restent fraîches, favorisant le maintien de l’acidité.
  • De la diversité des sols : le chenin sur calcaire donne des blancs tendus ; le sauvignon sur argiles, une structure plus large ; le colombard sur sols sableux garde une finesse aromatique.

Les pratiques de viticulture évoluent également : plus de 20 % des surfaces blanches sont aujourd’hui travaillées en bio ou en conversion, avec un engagement sur des rendements maîtrisés (souvent entre 45 et 55 hl/ha), des vendanges parfois nocturnes, pour préserver la fraîcheur aromatique, et l’absence quasi-générale de bois neuf.

Outre la vendange mécanique, certains domaines – La Tuque à Montpezat, le Clos des Augustins – renouent avec la cueillette manuelle pour des micro-cuvées parcellaires. Cette démarche vise à trier au plus juste, en privilégiant la maturité phénolique.

Portrait sensoriel : le style affirmé des blancs du Quercy

Déguster un blanc des Coteaux du Quercy, c’est aller au-devant d’un style singulier. Loin du classicisme bordelais, le profil oscille entre l’intensité aromatique des Côtes de Gascogne et la verticalité des chenins de Loire, mais avec une empreinte de terroir sud-ouest assumée.

  • Cuvées monocépage : Assez récentes, elles permettent à certains domaines (Domaine du Gabachou, Château Boujac) de révéler des expressions pures : chenin ciselé, viognier expressif, sauvignon éclatant.
  • Assemblages majoritaires : Le plus souvent, les blancs sont des assemblages où le sauvignon compose avec chardonnay ou colombard, pour gagner en complexité. 60 % des blancs produits en AOC en 2022 affichaient au moins deux cépages dans l’assemblage.

À l’œil, la robe oscille du jaune pâle cristallin à des reflets dorés quand le chenin domine. Au nez, place aux fleurs blanches (acacia, aubépine), à la pêche, à la poire, parfois à un grillé subtil en cas d’élevage sur lies. La bouche, équilibrée, garde de la tension, mais sans l’austérité d’autres vignobles plus nordiques.

Certains blancs surprennent par leur potentiel de garde : plusieurs dégustations verticales (notamment chez le Domaine du Gabachou) ont montré une élégante évolution sur 6 à 8 ans, les notes de fruits évoluant vers la cire d’abeille et la noisette.

Des défis à relever pour amplifier la renaissance des blancs

Si la progression est indéniable, les défis demeurent nombreux : le réchauffement climatique, d’abord, impose d’ajuster la date de récolte pour préserver acidité et équilibre. Selon Météo France, la température moyenne estivale a augmenté de 1,2 °C dans le Quercy depuis 1990, accélérant la maturité, surtout pour le sauvignon.

L’irrigation, encore marginale (moins de 4 % des surfaces), pourrait gagner en importance selon l’évolution réglementaire et le déficit hydrique des dernières années. Conjugué à une recherche variétale – retour du terret, expérimentation de cépages résistants (floreal, soreli) – cet ajustement permettra peut-être de pérenniser la dynamique des blancs sur le long terme.

Enfin, il subsiste un enjeu d'identité : quel style pour les blancs du Quercy ? Les vignerons hésitent entre suivre la demande internationale – blanc sec, aromatique, facile d’accès –, ou affirmer davantage une spécificité locale. L’avenir pourrait passer par la valorisation des cépages historiques et une signature de terroir renforcée. Plusieurs domaines souhaitent préparer une demande d’extension et d’harmonisation du cahier des charges auprès de l’INAO (source : Réussir Vigne, 2023).

Perspectives : quand les blancs du Quercy séduisent les palais curieux

Loin d’avoir atteint leur apogée, les blancs des Coteaux du Quercy incarnent aujourd’hui l’une des initiatives les plus prometteuses du vignoble du sud-ouest. La progression des surfaces, la montée en gamme, l’engouement des sommeliers – de Paris aux bistrots toulousains – témoignent d’un virage réussi. Le regard se porte sur la jeune génération de vignerons, en quête d’une identité singulière et profonde, capable de hisser le Quercy blanc parmi les grands outsiders de la scène viticole.

Au fil des millésimes, les Coteaux du Quercy blancs n’ont pas fini de surprendre. Si l’aventure reste fragile, elle réinvente la carte des terroirs et ouvre de nouveaux horizons à une région réputée pour ses rouges. Le blanc, ici, n’est plus l’ombre du rouge – il devient son alter ego, lumineux et inspiré.

  • Syndicat AOC Coteaux du Quercy : chiffres de plantations 2022–2023
  • INAO : règlementation de l'appellation
  • FranceAgriMer : tendances de consommation
  • Réussir Vigne : évolutions et perspectives du vignoble
  • Dégustations personnelles (salon VINOVISION, mai 2023, Paris)

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